CHAPITRE VIII
La première erreur d’Islena avait été la couronne : elle était trop lourde et lui donnait affreusement mal à la tête. Elle l’avait mise pour se donner de l’assurance. Les guerriers barbus d’Anheg l’intimidaient et elle avait cruellement besoin de se raccrocher à ce symbole d’autorité. Depuis, elle n’osait plus se montrer sans. Elle la ceignait chaque jour avec un peu moins de plaisir, et c’est avec un sentiment croissant d’insécurité qu’elle entrait dans la salle du trône.
La triste vérité est que la reine Islena de Cherek n’était pas du tout préparée à régner. Avant le jour où, vêtue de la pourpre royale et la couronne fermement campée sur la tête, elle avait fait son entrée sous les voûtes de la grande salle pour annoncer aux habitants du Val d’Alorie qu’elle conduirait le char de l’Etat en l’absence de son mari, les plus graves résolutions d’Islena avaient consisté à choisir ses robes et ses coiffures. Il lui semblait à présent que le sort de Cherek était suspendu à chacune de ses décisions.
Et les guerriers qui se baguenaudaient indolemment, une chope de bière à la main, ou se prélassaient dans la paille jonchant le sol autour de l’immense fosse à feu, ne faisaient rien pour l’aider. Chaque fois qu’elle entrait dans la salle du trône, les conversations s’arrêtaient. Les hommes se levaient poliment et la regardaient avancer jusqu’au trône entouré de bannières, mais elle ne parvenait pas à déchiffrer leurs sentiments. Elle en avait conclu que le problème venait de leur barbe : comment pouvait-on savoir ce que pensait un homme dont le visage disparaissait dans les poils jusqu’aux oreilles ? Seule la prompte intervention de dame Merel, la blonde et froide épouse du comte de Trellheim, l’avait dissuadée d’ordonner une séance de rasage collective.
— Allons, Islena, vous ne pouvez pas faire ça, avait décrété Merel en lui retirant la plume de la main au moment où elle s’apprêtait à signer le décret rédigé en hâte. Ils tiennent à leurs poils comme de petits enfants à leur hochet. Vous ne pouvez pas leur demander de se raser.
— Je suis leur reine !
— Vous ne l’êtes que tant qu’ils vous le permettent. Ils vous acceptent par respect pour Anheg, un point c’est tout. Si vous les attaquez dans leur amour-propre, vous ne resterez pas longtemps sur le trône.
Cette terrible menace avait mis fin au projet.
Islena finit par se reposer de plus en plus sur l’épouse de Barak, et les deux femmes, l’une en vert et l’autre vêtue d’écarlate, furent bientôt inséparables. Quand la reine faisait une gaffe, le regard glacial de Merel coupait court aux remarques irrespectueuses qui auraient pu fuser, surtout si la bière avait coulé un peu trop libéralement. C’est Merel qui finissait par prendre les décisions concernant la gestion quotidienne du royaume. Merel n’était jamais loin quand l’incertaine Islena siégeait sur le trône. Cherek était gouvernée par l’expression de visage couronné de tresses blondes. Un léger sourire pour oui, un froncement de sourcils pour non, un imperceptible haussement d’épaules pour peut-être. L’un dans l’autre, ça ne marchait pas trop mal.
La seule personne que le regard froid de Merel n’impressionnait pas était Grodeg, le grand prêtre de Belar, un immense gaillard à la barbe blanche qui exigeait toujours de s’entretenir avec la reine en audience privée. Or sitôt que Merel quittait la salle du conseil, Islena était perdue.
Anheg avait eu beau décréter la mobilisation générale, les membres du culte de l’Ours n’avaient pas encore grossi les rangs de l’armée. Leurs promesses de se joindre plus tard à la flotte semblaient sincères, mais plus le temps passait et plus leurs tergiversations étaient voyantes. C’est Grodeg qui tirait les ficelles, Islena le savait pertinemment. Presque tous les hommes valides du royaume étaient partis avec la flotte qui remontait le cours de l’Aldur pour rejoindre Anheg en Algarie centrale. Le palais du Val d’Alorie n’était plus gardé que par des vieillards grisonnants et des enfants aux joues duveteuses. Cela laissait le champ libre aux adorateurs de l’Ours, et Grodeg avait parfois tendance à passer les bornes.
Oh, pour être poli, il était poli ! Il ne perdait jamais une occasion de s’incliner devant la reine et ne se permettait aucune allusion à ses liens passés avec le culte, mais il multipliait les intrusions et ses offres de service devenaient pressantes. Quand Islena hésitait devant ses suggestions, il en profitait pour les mettre en œuvre en douceur comme s’il avait eu son accord. Islena perdait peu à peu le contrôle de la situation. Grodeg allait finir par prendre en main les affaires de l’Etat, en s’appuyant sur ses forces armées. Un nombre croissant d’adeptes du culte envahissaient le palais, donnaient des ordres, se prélassaient dans la salle du trône et souriaient ouvertement des efforts d’autorité de la reine.
— Islena, il faut que vous fassiez quelque chose, décréta fermement Merel un soir que les deux femmes étaient seules dans les appartements privés de la souveraine.
Elle arpentait la pièce couverte de tapis, ses cheveux d’or brillant doucement à la lueur des chandelles, mais son expression était rien moins qu’amène.
— Que puis-je faire ? implora Islena en se tordant les mains. Il ne me manque jamais ouvertement de respect et ses suggestions semblent toujours aller dans le sens de l’intérêt de Cherek.
— Islena, vous avez besoin d’aide, constata Merel.
— Mais vers qui pourrais-je me tourner ? se lamenta la reine, au bord des larmes.
— Je crois, reprit dame Merel en lissant le devant de sa robe de velours vert, que le moment est venu d’écrire à Porenn.
— Pour lui dire quoi ? gémit Islena.
— Asseyez-vous et écrivez, lui ordonna Merel en tendant le doigt vers une petite table placée dans un coin de la pièce et sur laquelle se trouvaient un parchemin et de l’encre.
Le comte Brador commençait vraiment à la canuler, décréta la reine Layla en avançant d’un pas décidé, la couronne en bataille et les talons claquant sur les planchers de chêne ciré, vers la pièce où elle recevait ses visiteurs.
La petite reine rebondie ignora les courtisans qui s’inclinaient sur son passage : elle n’avait vraiment pas le cœur à parler de la pluie et du beau temps. L’ambassadeur de Tolnedrie l’attendait avec un portefeuille plein de documents et il fallait qu’elle s’en occupe. Elle n’avait que trop tardé.
L’ambassadeur était un homme au teint olivâtre, au crâne dégarni et au nez busqué. Son manteau brun bordé d’or rappelait ses liens avec la maison des Borune. Il était affalé dans un grand fauteuil capitonné, près d’une fenêtre. Il se leva à l’entrée de la reine et s’inclina avec une grâce exquise.
— Votre Altesse, murmura-t-il courtoisement.
— Cher, cher comte Brador ! s’exclama la reine Layla avec un sourire désarmant. Asseyez-vous, je vous en prie. Nous nous connaissons assez pour nous dispenser de ce protocole assommant. Il commence à faire drôlement chaud, vous ne trouvez pas ? ajouta-t-elle d’un petit ton évaporé en se laissant tomber dans un fauteuil et en s’éventant d’une main.
— L’été est une saison magnifique en Sendarie, Majesté, répondit le comte en s’asseyant. Je me demandais si... si vous aviez eu le temps de réfléchir aux propositions que je vous ai soumises lors de nos derniers entretiens ?
La reine Layla le regarda d’un air ahuri.
— Quelles propositions, comte Brador ? Ne m’en veuillez pas, reprit-elle avec un petit gloussement désarmant, mais je n’ai pas ma tête à moi, ces jours-ci. Il y a tant de choses auxquelles il faut que je pense... Je me demande comment faisait mon mari pour ne rien oublier.
— Il s’agissait de l’administration du port de Camaar, Majesté, lui rappela gentiment le comte.
— Vraiment ?
La reine braqua sur lui un regard d’incompréhension totale, en se réjouissant secrètement de l’expression ennuyée qui effleura fugitivement le visage de son interlocuteur. C’était sa meilleure arme. Elle feignait d’avoir oublié leurs conversations antérieures et l’obligeait à tout reprendre de zéro à chaque rencontre. Elle savait pertinemment où l’emmenait l’ambassadeur, et sa prétendue étourderie contrariait ses projets.
— Qu’est-ce qui a pu nous amener à évoquer un sujet aussi fastidieux ? s’étonna-t-elle.
— Votre Grandeur n’a pu oublier ce scandale, riposta le comte avec un soupçon d’agacement. Un vaisseau de commerce tolnedrain, l’Etoile de Tol Horb, est resté à l’ancre pendant près de dix jours avant de trouver à s’amarrer. Chaque jour de retard dans son déchargement a coûté une fortune.
— C’est vraiment la panique, soupira la petite reine de Sendarie. Ça vient du manque de main-d’œuvre, vous comprenez. Tous ceux qui ne sont pas partis à la guerre s’occupent du ravitaillement de l’armée. Tout de même, j’ai bien envie d’envoyer aux autorités du port une note très sévère sur cette affaire. Il y avait autre chose, comte Brador ?
— Euh... commença Brador avec une petite toux gênée. Votre Majesté a déjà envoyé une note.
— Vraiment ? s’exclama Layla, feignant l’étonnement. C’est merveilleux, non ? Alors, tout est réglé, et vous êtes venu me remercier. Vous êtes vraiment trop gentil !
Elle se pencha impulsivement pour poser une main sur le poignet de l’ambassadeur, faisant délibérément tomber le parchemin roulé qu’il tenait à la main.
— Comme je suis maladroite ! fit-elle d’un ton d’excuse.
Elle ramassa le parchemin en un tour de main et s’appuya à son dossier en se tapotant distraitement la joue avec.
— Eh bien... à vrai dire, Majesté, nous avions un peu avancé dans nos discussions, reprit Brador en observant nerveusement le parchemin qu’elle lui avait si habilement subtilisé. J’ai suggéré, vous vous en souvenez peut-être, que la Tolnedrie prête main forte à l’administration du port. Nous étions tombés d’accord, je crois, sur cette démarche humanitaire propre à pallier le manque de main-d’œuvre dont se plaignait à l’instant Votre Majesté.
— Quelle idée merveilleuse ! s’exclama Layla en assenant un bon coup de son petit poing rebondi sur le bras de son fauteuil, comme pour marquer son enthousiasme.
A ce signal, deux de ses plus jeunes enfants firent irruption dans la pièce en se disputant.
— Maaaman ! pleurnicha la princesse Gelda, Fernie m’a volé mon ruban rouge !
— C’est pas vrai ! protesta la princesse Ferna, indignée. C’est elle qui me l’a donné en échange de mon collier bleu.
— Tu mens ! lança Gelda.
— C’est toi, la menteuse ! rétorqua Ferna.
— Allons, allons, les enfants ! les gronda Layla. Vous ne voyez pas que Maman est occupée ? Que va penser notre grand ami le comte ?
— Maaaman, elle m’a volé mon ruban rouge ! hurla Gelda. C’est une voleuse !
— Menteuse ! répéta Ferna en tirant la langue à sa sœur.
Le petit prince Meldig fit alors son entrée, l’air vivement intéressé. C’était le plus jeune fils de la reine Layla. Il tenait un pot de confiture et son visage était généreusement tartiné avec le contenu.
— Oh ! Ces enfants sont impossibles ! Vous étiez censées le surveiller, les filles ! s’exclama la reine Layla en bondissant de son fauteuil.
Elle se précipita sur le petit prince enduit de confiture, chiffonna le parchemin qu’elle tenait à la main et commença à lui frotter le museau avec.
— Oh, non ! hoqueta-t-elle en s’interrompant comme si elle réalisait tout à coup ce qu’elle était en train de faire. J’espère, comte Brador, que ce n’était pas important, enchaîna-t-elle en brandissant le document froissé et tout poisseux.
Le comte accusa le coup.
— Non, Majesté, répondit-il d’un ton résigné. Pas vraiment. Une autre fois, peut-être. Je succombe, vaincu par la supériorité numérique de la maison royale de Sendarie. Je sollicite la permission de Votre Majesté de me retirer, conclut-il en se levant et en s’inclinant.
— Comte Brador ! Vous alliez oublier ça, fit Layla en lui collant – jamais verbe ne fut plus approprié – le parchemin dans les mains.
Le comte battit en retraite avec des airs de martyr. La reine Layla se tourna vers ses enfants qui la regardaient en souriant jusqu’aux oreilles. Elle les gronda et fit la grosse voix jusqu’à ce que le comte se soit bien éloigné, puis elle s’agenouilla et les embrassa en riant tant qu’elle pouvait.
— Alors, Mère, vous êtes contente de nous ? demanda la princesse Gelda.
— Vous êtes des amours, répondit la reine Layla en s’étouffant de rire.
Abusé par l’atmosphère de cordiale civilité qui régnait depuis un an au palais de Sthiss Tor, Sadi l’eunuque avait relâché sa vigilance et l’un de ses associés en avait profité pour tenter de l’empoisonner. S’il y a une chose que Sadi n’aimait pas, c’était bien ça. Les antidotes avaient tous mauvais goût et les effets secondaires le laissaient tout patraque et la tête vide. Aussi réserva-t-il un accueil quelque peu grinçant à l’envoyé du roi Taur Urgas.
En entrant dans le bureau glacial, à peine éclairé, d’où Sadi conduisait la majeure partie des affaires de l’Etat, le Murgo au visage couturé de cicatrices se fendit d’une profonde révérence qui fit grincer sa cotte de mailles.
— Taur Urgas, le roi des Murgos, salue Sadi, le vénérable serviteur de l’Immortelle Salmissra, déclama-t-il.
— Le vénérable serviteur de la Reine des Serpents retourne ses salutations au bras droit du Dieu-Dragon des Angaraks, articula Sadi avec quelque chose qui aurait pu passer pour de l’indifférence et c’en était. Bon, et si vous en veniez au fait ? Je ne suis pas dans mon assiette, en ce moment.
— Je suis fort aise de voir que vous êtes remis, mentit effrontément l’ambassadeur en tirant un fauteuil devant la table cirée qui servait de bureau à Sadi. L’empoisonneur a-t-il été appréhendé ?
— Evidemment ! rétorqua Sadi en passant distraitement la main sur son crâne rasé.
— Et exécuté ?
— Pour quoi faire ? C’est un empoisonneur patenté. Il faisait son boulot et voilà tout.
Le visage inexpressif du Murgo trahit quelque surprise.
— Nous considérons un bon empoisonneur comme un atout précieux pour la société, lui expliqua Sadi. Si nous nous mettions à supprimer les assassins qui réussissent leur coup, il n’y en aurait bientôt plus et on ne sait jamais : on peut toujours avoir besoin de leurs services.
— Vous êtes un peuple incroyablement tolérant, commenta l’ambassadeur murgo de sa voix accentuée. Et celui qui avait fait appel à ses services ?
— Ça, c’est une autre affaire. A l’heure où nous parlons, les sangsues du fleuve se repaissent de sa carcasse. Mais dites-moi, vous êtes là en visite officielle ou vous êtes simplement passé prendre de mes nouvelles ?
— Un peu des deux, Excellence.
— Les Murgos sont des gens pratiques, observa sèchement Sadi. Alors, que me veut Taur Urgas, cette fois ?
— Excellence, les Aloriens s’apprêtent à envahir le Mishrak ac Thull.
— C’est ce que j’ai entendu dire. Et quel rapport avec la Nyissie ?
— Les Nyissiens ne doivent pas avoir beaucoup de sympathie pour les Aloriens.
— Pour les Murgos non plus, rétorqua Sadi.
— C’est l’Alorie qui a occupé la Nyissie après l’assassinat du roi de Riva, lui rappela le Murgo, alors que le Cthol Murgos a été le premier client de la Nyissie.
— Dites, mon cher, vous ne voudriez pas arrêter de tourner autour du pot ? coupa Sadi en se caressant le crâne avec lassitude. Je n’agis pas en fonction des outrages du passé ou de faveurs oubliées depuis longtemps. La traite des esclaves a pour ainsi dire cessé, et les cicatrices laissées par l’occupation alorienne se sont estompées depuis des siècles. Alors, que me veut Taur Urgas ?
— Mon roi souhaite éviter un bain de sang, lâcha le Murgo. Les légions tolnedraines constituent une partie significative des armées massées en Algarie. A la moindre menace – juste une menace, j’insiste – d’activités hostiles sur sa frontière sud, vulnérable, Ran Borune rappellerait ses légions. Leur retrait déterminerait les Aloriens à renoncer à leur entreprise.
— Vous voudriez que j’envahisse la Tolnedrie ?
— Bien sûr que non, Excellence. Sa Majesté souhaiterait simplement obtenir votre autorisation de faire traverser le sol nyissien à certaines de ses forces afin de les mettre en place à la frontière sud de la Tolnedrie. Le sang ne devrait pas couler.
— Sauf celui des Nyissiens, quand l’armée murgo se retirera. Les légions s’abattront sur la Rivière de la Sylve comme des frelons énervés.
— Taur Urgas serait tout à fait disposé à laisser des garnisons derrière lui afin de garantir l’intégrité du territoire nyissien.
— Ça, je n’en doute pas, observa sèchement Sadi. Informez votre roi que je ne puis souscrire à sa proposition en l’état actuel des choses.
— Le roi du Cthol Murgos est un homme puissant, proclama fermement le Murgo, et il se souvient encore mieux de ceux qui se mettent en travers de sa route que de ses amis.
— Taur Urgas est un fou, laissa tomber Sadi. Il voudrait éviter tout conflit avec les Aloriens pour se consacrer exclusivement à ‘Zakath. Mais il n’est tout de même pas assez fou pour envoyer ses hommes en Nyissie sans y avoir été invité. Une armée doit manger, et – l’histoire l’a amplement prouvé – la Nyissie ne se prête guère au stockage des denrées alimentaires. Amer est le suc du fruit le plus tentant...
— L’armée murgo emmènerait son ravitaillement avec elle, riposta l’ambassadeur avec raideur.
— Ben voyons ! Et l’eau ? Où trouverait-elle à boire ? Allons, cette discussion ne nous mènera nulle part. Je vais transmettre votre proposition à Son Altesse. La décision lui appartient, évidemment. Je pense toutefois que vous auriez intérêt à lui faire une offre un peu plus alléchante que l’invasion de son territoire par les Murgos. Bon, c’est tout ?
Le Murgo se leva, le visage fermé. Il s’inclina avec raideur devant Sadi et quitta la pièce sans ajouter un mot.
Sadi cogita un moment. S’il la jouait fine, il pouvait gagner gros pour un investissement minime. Quelques dépêches rédigées en termes choisis, adressées au roi Rhodar d’Algarie, placeraient la Nyissie parmi les alliés du Ponant, et il sortirait grandi de la victoire de Rhodar. D’un autre côté, s’il apparaissait que les Aloriens étaient sur le point de perdre la partie, il serait toujours temps d’accepter la proposition de Taur Urgas. Dans un cas comme dans l’autre, la Nyissie était du bon côté du manche. Sadi trouvait cette idée très sympathique. Il se leva, faisant froufrouter la soie iridescente de sa robe, et s’approcha d’un cabinet d’ébène d’où il sortit un flacon de cristal contenant un liquide bleu foncé, visqueux – sa drogue favorite. Il en versa un fond dans un petit verre et l’avala. L’effet se fit presque aussitôt sentir et un calme euphorique l’envahit. Quelques instants plus tard, il était prêt à affronter sa reine. Il se surprit même à esquisser un sourire quand il quitta son bureau et s’engagea dans le couloir ténébreux menant à la Salle du trône.
La tanière de Salmissra était toujours aussi mal éclairée. Les lampes à huile suspendues à de longues chaînes d’argent ne perçaient même pas les ténèbres du plafond. Le chœur des eunuques était agenouillé dans l’adoration de leur souveraine, comme d’habitude, mais ils ne chantaient plus ses louanges. Tous les bruits l’irritaient désormais, et il n’était pas recommandé de l’irriter. La reine des Serpents occupait son éternel divan, sous l’immense statue d’Issa. Elle passait ses journées plongée dans une sorte de torpeur. A chacun de ses mouvements, ses anneaux tachetés frottaient les uns contre les autres avec un crissement poussiéreux. Elle devait dormir d’un sommeil agité, car elle dardait nerveusement sa langue. Sadi s’approcha du trône, se prosterna pour la forme sur le sol de pierre poli et attendit. Son odeur l’annoncerait au serpent à capuchon qui était sa suzeraine.
— Oui, Sadi ? murmura-t-elle enfin dans une sorte de chuintement.
— Les Murgos souhaiteraient conclure une alliance avec nous, ma Reine, l’informa Sadi. Taur Urgas voudrait faire peur aux Tolnedrains en massant des troupes au sud de la Nyissie afin de contraindre Ran Borune à retirer ses légions de la frontière thulle.
— Intéressant, commenta la femme-reptile d’un ton indifférent, en braquant ses yeux morts sur son serviteur et en faisant crisser ses anneaux. Qu’en penses-tu ?
— La neutralité ne coûte rien, Divine Salmissra, répondit Sadi. Il serait prématuré de nous allier à l’un ou l’autre côté.
La reine des Serpents tourna vers le miroir placé à côté de son trône ses yeux aussi vitreux que le verre, enfla son capuchon tacheté et s’admira en dardant sa langue vers son reflet. La couronne posée sur sa tête brillait du même éclat luisant que ses écailles.
— Fais au mieux, Sadi, répondit-elle enfin comme si elle était à mille lieues de là.
— Bien, ma Reine. J’aviserai, acquiesça Sadi en collant son front à terre comme pour prendre congé.
— Je n’ai plus que faire de Torak, désormais. Polgara y a veillé, reprit la reine d’un ton rêveur.
Elle semblait incapable de détourner son regard du miroir.
— Oui, ma Reine, acquiesça Sadi sans se mouiller en s’apprêtant à se relever.
— Reste un peu, Sadi, siffla-t-elle en se retournant vers lui. Je me sens si seule...
Sadi se laissa immédiatement retomber sur le sol de pierre polie.
— Je fais parfois de drôles de rêves, Sadi. De très, très drôles de rêves. J’ai l’impression de me rappeler certaines choses, des choses qui sont arrivées quand j’avais le sang chaud et que j’étais une femme. D’étranges envies me viennent en rêve... Etais-je vraiment comme cela, Sadi ? fit-elle en le regardant droit dans les yeux et en pointant vers lui son museau émoussé, son capuchon s’enflant à nouveau. C’est comme si je regardais à travers un rideau de fumée.
— C’étaient des temps difficiles, ma Reine, répondit sincèrement Sadi. Pour tout le monde.
— Tu sais, Sadi, Polgara avait raison, reprit-elle d’une voix expirante. Les potions m’embrasaient les sens. Je pense que c’est mieux ainsi... Plus de passions, plus de désirs, plus de craintes. Allez, tu peux t’en aller, à présent, conclut-elle en se tournant à nouveau vers son miroir.
Sadi s’empressa de se lever et de regagner la porte.
— Oh, Sadi !
— Oui, ma Reine ?
— Si je t’ai naguère causé du tort, je le regrette.
Il la contempla, incrédule.
— Pas beaucoup, bien sûr, mais un petit peu tout de même.
Puis elle se remit à contempler son reflet.
Sadi referma la porte derrière lui en tremblant de tous ses membres. Un moment plus tard, il envoya chercher Issus. Le mercenaire borgne, dépenaillé, entra dans le bureau du chef des eunuques en hésitant. Il n’avait pas l’air rassuré.
— Entre donc, Issus, lui dit calmement Sadi.
— J’espère que tu ne m’en veux pas, Sadi, commença craintivement Issus en regardant autour de lui comme pour s’assurer qu’ils étaient seuls. Je n’ai rien contre toi personnellement, tu sais.
— Ne t’inquiète pas, Issus, le rassura Sadi. Tu as fait ce pour quoi on t’avait payé, c’est tout.
— Comment t’en es-tu aperçu ? demanda Issus avec un intérêt purement professionnel. La plupart du temps, quand les gens se rendent compte qu’ils ont été empoisonnés, il est trop tard pour prendre l’antidote.
— Ta mixture a un petit arrière-goût de citron. J’ai appris à le reconnaître.
— Tiens donc ! Il faudra que je fasse attention. En dehors de ça, c’est un très bon poison.
— Excellent, Issus, renchérit Sadi. Ce qui nous amène à la raison pour laquelle je t’ai fait venir. Je crois que je pourrais me passer d’un certain individu.
— Au tarif habituel ? fit Issus en se frottant les mains, les yeux brillants.
— Naturellement.
— De qui s’agit-il ?
— De l’ambassadeur murgo.
Issus se rembrunit un instant.
— Il ne sera pas facile à avoir, objecta-t-il en se caressant le crâne.
— Tu trouveras bien un moyen d’y arriver. J’ai toute confiance en toi.
— Je suis le meilleur, confirma Issus sans fausse modestie.
— L’ambassadeur me harcèle pour que j’accepte certaines transactions et j’aimerais gagner un peu de temps, reprit l’eunuque. Sa disparition subite m’ôterait une belle épine du pied.
— Tu n’as pas à te justifier, Sadi. Je n’ai pas besoin de savoir pourquoi tu veux sa mort.
— Mais tu as besoin de savoir comment je souhaiterais qu’il meure. Je tiens, pour différentes raisons, à ce que son trépas ait l’air très naturel. Tu ne pourrais pas faire en sorte qu’il attrape un genre de fièvre, ainsi que certains membres de sa maisonnée ? Quelque chose de particulièrement virulent ?
— C’est assez délicat, objecta Issus en fronçant les sourcils. Ce genre de chose pourrait échapper à tout contrôle, contaminer tout le voisinage et ne laisser que très peu de survivants.
— On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, commenta Sadi en haussant les épaules. Tu peux t’en occuper ?
Issus hocha gravement la tête en signe d’assentiment.
— Eh bien, occupe-t’en ! Allez, pendant ce temps-là, je vais préparer une belle lettre de condoléances à Taur Urgas.
La reine Silar d’Algarie fredonnait doucement, assise devant son métier à tisser dans la grande salle de la Forteresse. Ses doigts faisaient aller et venir la navette avec un petit cliquetis monotone. Le soleil qui filtrait par les étroites fenêtres placées tout en haut des murs emplissait la longue salle d’une lumière dorée, diffuse. Hettar et le roi Cho-Hag étaient au loin. Ils préparaient à quelques lieues du pied de l’A-pic oriental un gigantesque campement pour les armées des Aloriens, des Arendais, des Sendariens et des Tolnedrains venus de l’ouest. Cho-Hag n’avait pas franchi les frontières du royaume mais il avait déjà transmis l’autorité à sa femme et demandé à tous les chefs de clan de lui prêter serment de fidélité.
La reine d’Algarie était une femme silencieuse, dont le visage trahissait rarement les émotions. Toute sa vie elle avait vécu à l’ombre de son époux. Elle était si discrète, si effacée que les gens ne remarquaient même pas sa présence. Mais elle ouvrait toujours les yeux et les oreilles. Cette calme dame aux cheveux noirs avait toute la confiance de son mari infirme et rien ne lui échappait.
Debout devant elle dans sa robe blanche, tout gonflé de son importance, Elvar, le grand prêtre d’Algarie, lui lisait une série de décrets soigneusement préparés pour lui transmettre tous les pouvoirs et les lui expliquait avec condescendance.
— C’est tout ? demanda-t-elle quand il eut fini.
— C’est préférable, Majesté, conclut-il avec hauteur. Le monde entier sait que les femmes ne sont pas faites pour gouverner. Dois-je envoyer chercher une plume et de l’encre ?
— Ce ne sera pas nécessaire, Elvar, répondit calmement la reine sans cesser de s’activer sur son métier à tisser.
— Mais...
— Il m’est venu une étrange pensée, vous savez, reprit-elle en le regardant bien en face. Vous êtes le grand prêtre de Belar pour toute l’Algarie mais vous n’avez jamais quitté la Forteresse. Ne trouvez-vous pas cela curieux ?
— C’est que mon devoir, Majesté, me contraint à...
— Mais votre premier devoir, ne le devez-vous pas à votre peuple et aux enfants de Belar ? Faut-il que nous ayons été égoïstes pour vous retenir ici quand votre cœur se languissait loin des clans et se consumait du désir d’apporter la bonne parole à leurs enfants !
Il la regarda en ouvrant et en refermant la bouche comme un poisson hors de l’eau.
— Et cela vaut pour tous les autres prêtres, ajouta-t-elle. On dirait qu’ils n’osent abandonner la Forteresse et leurs tâches administratives. Un prêtre est un homme trop précieux pour de telles corvées. Nous devons remédier à la situation d’urgence.
— Mais...
— Non, Elvar. Mon devoir de reine m’apparaît à présent avec une clarté absolue : les enfants d’Algarie passent avant tout. Je vous relève de toutes vos tâches à la Forteresse afin que vous puissiez retourner à la vocation qui est la vôtre. Je vous établirai personnellement un itinéraire, continua-t-elle en souriant, sans lui laisser le temps de répondre. En ces temps troublés, conclut-elle après un instant de réflexion, je crois qu’il serait préférable de vous fournir une escorte : quelques hommes choisis dans mon propre clan, sur lesquels nous pourrons compter pour que rien, homme ou message venu d’ailleurs, ne vienne vous interrompre dans vos pérégrinations, vous distraire de vos prêches ou vous empêcher de porter la bonne parole. Ce sera tout, Elvar, annonça-t-elle en le regardant à nouveau droit dans les yeux. Il vaudrait mieux que vous fassiez vos paquets. Bien des saisons passeront, je pense, avant que vous reveniez parmi nous.
Le grand prêtre de Belar émit quelques bruits étranglés.
— Oh, encore une chose, reprit la reine en choisissant un écheveau de laine et en l’examinant soigneusement à la lumière. Il y a des années que personne n’a inspecté les troupeaux. Tant que vous y serez, j’aimerais que vous établissiez le décompte précis des poulains et des veaux d’Algarie. Ça vous occupera l’esprit. Vous me ferez parvenir un rapport de temps en temps. C’est bon, Elvar, vous pouvez disposer.
Le grand prêtre partit en tremblant de rage faire ses préparatifs en vue de son emprisonnement ambulant. La reine ne se donna pas la peine de relever les yeux sur lui.
Messire Morin, le grand chambellan de Sa Majesté impériale Ran Borune XXIII, poussa un gros soupir et entra dans le jardin privé de l’empereur. Allons, une nouvelle diatribe en perspective, songea-t-il avant de rectifier aussitôt : nouvelle, si l’on peut dire. Il y avait déjà eu droit une bonne douzaine de fois au moins. L’empereur avait une extraordinaire capacité de répétition.
Mais Ran Borune XXIII était dans un curieux état d’esprit. Le petit empereur chauve, au nez en bec d’oiseau, était assis dans son fauteuil à l’ombre d’un arbre et il écoutait les trilles de son canari d’un air pensif.
— Vous avez remarqué, Morin, qu’il n’a plus jamais parlé ? fit l’empereur en voyant le chambellan approcher sur l’herbe fraîchement coupée. Il n’a parlé qu’une fois, quand Polgara était là.
Il regarda tristement le petit oiseau au plumage d’or et poussa un profond soupir.
— Vous savez, Morin, je crois que j’ai eu le petit bout du bâton, comme disent les Arendais. Polgara a pris Ce’Nedra et m’a donné un canari en échange. C’est mon imagination, ou le palais est vraiment sombre et froid, maintenant ? reprit-il en balayant du regard le jardin baigné de soleil et les murs de marbre étincelant qui l’entouraient.
Il s’abîma dans le silence en regardant sans le voir un parterre de roses écarlates, puis il y eut un bruit bizarre.
Messire Morin releva vivement les yeux sur l’empereur, craignant qu’il n’ait une nouvelle crise, mais ce n’était pas ça. Ran Borune était en train de ricaner.
— Vous avez vu comment elle m’a embobiné, Morin ? s’esclaffa l’empereur. Elle m’a délibérément mis en rage. Non, quel fils elle aurait fait ! Ç’aurait pu être le plus grand empereur que la Tolnedrie ait jamais eu !
Ran Borune se mit à rire ouvertement, laissant libre cours à son admiration pour l’intelligence de Ce’Nedra.
— C’est bien votre fille, Majesté, observa messire Morin.
— Quand je pense qu’elle a levé une armée de cette taille à seize ans à peine, s’émerveilla l’empereur. Quelle remarquable enfant !
Il sembla tout à coup avoir surmonté la rumination lugubre qui s’était emparée de lui depuis son retour de Tol Honeth. Les échos de son rire s’attardèrent quelques instants puis il plissa étroitement ses petits yeux brillants.
— Il est à craindre que les légions qu’elle m’a volées se montrent un peu rétives sans l’aide de véritables professionnels, reprit-il d’un ton rêveur.
— Je dirais, Majesté, que c’est le problème de Ce’Nedra, observa Morin. Ou de Polgara.
— Eh bien, je ne sais pas trop, Morin, fit l’empereur en se grattant l’oreille. La situation n’est pas très claire. Vous connaissez le général Varana ? demanda-t-il à brûle-pourpoint.
— Le duc d’Anadile ? Bien sûr, Majesté. Un homme très professionnel, solide, sans prétention et d’une immense intelligence, assurément.
— C’est un vieil ami de la famille, lui confia Ran Borune. Ce’Nedra le connaît. Elle tiendrait compte de son avis. Et si vous alliez le voir, Morin ? Vous pourriez peut-être lui suggérer de prendre une permission et, qui sait, d’aller jeter un petit coup d’œil en Algarie ?
— Je suis certain qu’il accueillerait avec joie l’idée de prendre des vacances, acquiesça messire Morin. La vie de garnison est parfois fastidieuse, en été.
— Ce n’était qu’une suggestion, insista l’empereur. Sa présence dans la région serait officieuse, bien entendu.
— Bien entendu, Majesté.
— Et s’il lui arrivait de faire quelques suggestions, ou même de diriger un peu les opérations, comment pourrions-nous le savoir, hein ? Après tout, les citoyens ont le droit de faire ce qu’ils veulent pendant leurs vacances, non ?
— Absolument, Majesté.
— Et nous nous en tiendrions tous à cette version de l’histoire, n’est-ce pas, Morin ? conclut l’empereur avec un grand sourire.
— Comme de la poix, Majesté, lui assura gravement Morin.
Le prince couronné de Drasnie émit un rot sonore, poussa un soupir et s’endormit instantanément sur l’épaule de sa mère, la reine Porenn. Elle le regarda avec un sourire attendri, le remit dans son berceau et se retourna vers le grand gaillard dégingandé, habillé comme l’homme de la rue, vautré dans un fauteuil non loin de là. L’individu, un certain Javelin, était le chef des services de renseignements drasniens et l’un des plus proches conseillers de Porenn.
— Enfin, poursuivait l’homme, l’armée de la petite Tolnedraine est à deux jours de la Forteresse. Les ingénieurs sont en avance sur le programme de levage des vaisseaux au-dessus de l’A-pic et les Cheresques s’apprêtent à commencer le portage depuis le bras oriental de l’Aldur.
— Alors, tout marche comme prévu, commenta la reine en se rasseyant près de la table cirée, devant la fenêtre.
— On m’a signalé quelques incidents en Arendie, nota Javelin. Les échauffourées habituelles ; rien de sérieux. La reine Layla de Sendarie a totalement déstabilisé le Tolnedrain, Brador ; il pourrait aussi bien être ailleurs. J’ai reçu une information intéressante en provenance de Sthiss Tor. Les Murgos tentent de négocier quelque chose mais leurs envoyés tombent comme des mouches. Nous allons nous rapprocher de Sadi pour découvrir ce qui se passe au juste. Voyons un peu... Ah ! oui : les Honeth ont fini par se mettre d’accord sur un candidat, un crétin prétentieux et arrogant qui a réussi à se mettre à peu près tout Tol Honeth à dos. Ça ferait un empereur détestable. Ses partisans vont bien tenter de lui acheter la couronne, mais même avec toute leur fortune, ils vont avoir du mal. Je pense que c’est tout, Majesté.
— J’ai reçu une lettre du Val d’Alorie, lui annonça Porenn.
— Oui, Majesté, répondit respectueusement Javelin. Je sais.
— Javelin, ne me dites pas que vous avez recommencé à lire mon courrier ? tempêta la reine.
— C’est juste pour rester au courant des affaires de ce monde, Porenn.
— Je vous avais dit d’arrêter.
— Vous n’espériez pas vraiment que je le ferais ? fit-il, sincèrement surpris.
— Vous êtes impossible ! s’esclaffa-t-elle.
— C’est mon métier.
— Que pouvons-nous faire pour aider Islena ?
— Je vais mettre des gens sur le coup, lui assura-t-il. Nous devrions pouvoir agir par l’intermédiaire de Merel, la femme du comte de Trellheim. Elle commence à faire preuve de maturité et elles sont très proches, Islena et elle.
— Je pense que nous devrions faire preuve de vigilance dans nos propres services de renseignements, suggéra Porenn. Je vous demanderai de repérer tous les individus susceptibles d’avoir des relations avec le culte de l’Ours. Nous serons peut-être amenés d’ici peu à prendre des mesures radicales.
Javelin eut un signe d’acquiescement. On frappa à la porte.
— Oui ? répondit Porenn.
Un serviteur passa la tête par l’ouverture de la porte.
— Excusez-moi, Majesté, mais il y a ici un marchand nadrak, un dénommé Yarblek, qui voudrait discuter avec vous des cours du saumon, annonça le serviteur, perplexe.
La reine Porenn se redressa sur son fauteuil.
— Faites-le entrer tout de suite, ordonna-t-elle.